Récompensé Meilleure production contemporaine pour 2022 par les Danza&Danza Awards
“Emanuel Gat est un connaisseur suprême de la musique, dévorant tous les genres, de la pop au classique, du rock à la salsa. Dans sa dernière œuvre, il aborde pour la première fois l’opéra, transformant les airs de Puccini de Tosca en danse. Plus précisément, il a choisi les actes deux et trois de l’opéra, dans Act II&III (créé en 2021, présenté en Italie au Bolzano Danza Festival 2022). Loin d’une approche didactique, la chorégraphie absorbe la construction narrative de l’histoire, et la traduit en une tornade de mouvements repris par la musique. Ils insufflent à l’histoire des nuances “autres”, avec une gamme de mouvements et de gestes concrets étonnamment théâtraux. Dans une distillation d’énergie physique et émotionnelle, seuls les corps des onze incroyables interprètes “nous disent” tout sur les personnages, leurs sentiments motivants et leurs actions. Ils révèlent des couches de sens et de nouvelles ambiances dans lesquelles se jouent les différents destins de l’opéra de Puccini.”
— D&D Awards
“La nudité des corps qui ouvre la pièce, la beauté exposée, l’absence totale de provocation malgré l’audace du projet, installe un rapport immédiat à l’univers lyrique. Voilà le spectateur renvoyé à ce qui se lève au plus intime de lui-même à l’écoute de cette musique. Un sidérant ballet des émotions.”
— Ariane Bavelier, Le Figaro
“C’est donc tout aussi épurés, c’est-à-dire nus, que les danseurs enchaînent de sublimes solos sur un plateau à peine éclairé. Les seuls faisceaux de lumière émanent d’un recoin de la scène, comme des fenêtres célestes ouvertes sur ces arts ancestraux que sont l’opéra et la danse. Les onze danseuses et danseurs émergent tour à tour, mettent en évidence leur corps, leur vulnérabilité, leur puissance, leur singularité, sans parasitage aucun. Ils éruptent des entrailles de l’Opéra et font jaillir l’essence de la danse, sa forme la plus brute, la plus crue, la plus charnelle, la plus belle. Mystique !”
— Romain Rougé, La Grande Parade
“Impressionnante et magistrale création d’Emanuel Gat, Act II&III or The Unexpected Return Of Heaven And Earth.”
— Rosita Boisseau, Le Monde
“Leurs solos sont étourdissants, pigments de peau, pigments de peinture volant dans un cube à la noirceur lumineuse, et leurs mouvements possèdent l’insondable évidence du geste soulagien... Une splendeur qui confine au mystique.”
— Jérémy Bernède, Midi Libre
“Autrement plus fort qu’une transposition du drame amoureux, Act II & III or The unexpected Return of Heaven and Earth invite sans artifice, mais avec une densité rare, la passion dévorante des uns et le désir de possession des autres au plateau.”
— Olivier Fregaville-Gratian, L'œil d'Olivier
#BigBang
Contrairement à ce que j’ai pensé pendant de nombreuses années, je vois désormais la chorégraphie (la pratique, les processus et les objets qui en résultent, les œuvres, les événements et toutes les autres manifestations qu'elle peut avoir), comme quelque chose dont la logique et les caractéristiques s’apparenterait au Big Bang. Quelque chose en constante expansion. Une fractale à trois (quatre?) dimensions, voyageant simultanément dans toutes les directions (dimensions?).
C'est un changement majeur par rapport à la perception linéaire et évolutive que j'en avais auparavant : quelque chose qui se déplace du point A au point B vers C et ainsi de suite, collectant au passage des informations, ajustant, ajoutant, révisant, évoluant sur un tracé clair vers un point dans le futur (que cela concerne le processus global et les pièces distinctes).
En regardant en arrière (de haut en bas, sur les côtés et au milieu), je commence à réaliser que cette perception linéaire qui était la mienne n'est qu'un fragment. Une sorte de vision-tunnel au milieu d'un champ radicalement plus large d'événements et de possibilités.
Dans cet espace / situation / événement tridimensionnel et cinétique, le temps ainsi que les idées et les perceptions acquises deviennent fluides et flexibles. Tout peut bouger à tout moment de toutes les manières possibles et dans n'importe quelle direction. Pourtant, étonnamment, rien n'est aléatoire. Une cohérence d'une autre nature émerge, qui semble correspondre davantage à «comment les choses sont».
Début janvier, nous nous sommes retrouvés en studio pendant dix longues journées, après une nouvelle annulation des représentations programmées à l’Arsenal - Cité musicale de Metz. Au terme de ces dix jours, après un processus de création assez improbable et seulement trois mois après la première de #LOVETRAIN2020, une nouvelle œuvre existait pleinement et avec elle, une myriade de nouvelles réalisations.
J'ai le privilège d'avoir les meilleurs compagnons possibles pour ce genre de voyage dans le temps et l'espace. Certaines portes ne s'ouvrent que lorsque certaines conditions sont réunies, et uniquement avec les bonnes personnes: Michael Loehr, Emma Mouton, Thomas Alfred Bradley, Sara Wilhelmsson, Ichiro Sugae, Juhász Péter, Gilad Jerusalmy, Eglantine Bart, Rob Bridger, Rindra Rasoaveloson, Eddie Bruno Oroyan.
Plus rien n'est étrange dans la réalité actuelle. J’imagine que le fait que pour la première fois en 26 ans de travail, j'ai créé une nouvelle pièce sans avoir la moindre idée de quand et où elle sera présentée, ni de ses partenaires co-producteurs, ne semble plus si étrange.
D'abord on fait, ensuite on voit - une bonne devise pour notre temps.
Act II&III est une exploration chorégraphique et théâtrale qui se développe en dialogue avec l’enregistrement historique des deuxième et troisième actes de Tosca de Puccini, dans la version interprétée par Maria Callas, Carlo Bergonzi, Tito Gobbi et dirigée par Georges Prêtre en 1965.
Dans une unité de temps et d’espace, la chorégraphie engage une conversation à plusieurs niveaux avec l’enregistrement de l’oeuvre de Puccini. L’intention chorégraphique n’est pas de suivre ou d’incarner le célèbre livret et les différents personnages de l’opéra, mais plutôt d’évoluer de manière indépendante, et de s’engager dans une cartographie détaillées du riche contenu musical, et de la manière dont celui-ci aborde un myriade de thèmes universels comme l’amour, la trahison, la jalousie, l’espoir, la mort, la guerre, les intrigues politiques et la persécution.
Pour cette création, Emanuel Gat propose un traitement théâtral non-orthodoxe de la musique de Puccini et du genre de l’opéra italien de la fin du 19ème siècle. Il engage une nouvelle exploration des voies chorégraphiques permettant l’émergence d’autres modes narratifs, naviguant à nouveau dans le vaste espace qui s’ouvre au point de rencontre du visible et de l’audible, du musical et du chorégraphique.
Le choix de la musique intensément chargée et dramatique de Puccini s’inscrit dans la continuité de la précédente création d’Emanuel Gat, LOVETRAIN2020, sur la musique pop des années 80 de Tears for Fears : prendre une oeuvre musicale, l’extraire de son époque et de son contexte habituel, et la confronter à un processus chorégraphique novateur et exigeant (comme c’était également le cas pour SACRE en 2004). Cette approche crée de nouvelles synergies, de nouveaux regards sur le connu et le familier, et offre une lecture rafraichissante et captivante d’anciens chefs d’oeuvres, sous un angle contemporain et dans une autre mise en lumière.
Crédits
Musique : Giacomo Puccini, Tosca, Act II & III (enregistrement de 1965, dirigé par Georges Prêtre).
Interprétation : Maria Callas (Tosca), Carlo Bergonzi (Carvadossi), Tito Gobbi (Sciarpa)
Chorégraphie, scénographie et lumières : Emanuel Gat
Direction technique : Guillaume Février
Son : Frédéric Duru
Créé avec et interprété par : Eglantine Bart, Thomas Bradley, Robert Bridger, Gilad Jerusalmy, Péter Juhász, Michael Loehr, Emma Mouton, Eddie Oroyan, Rindra Rasoaveloson, Ichiro Sugae, Sara Wilhelmsson
Company Manager : Marjorie Carré
Coordinatrice de production : Antonia Auday
Une production d’Emanuel Gat Dance, co-produit par le Festival Montpellier Danse 2022, Arsenal - Cité Musicale de Metz, Bolzano Danza 2022. Emanuel Gat Dance bénéficie du soutien du Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur au titre de compagnie conventionnée, de la Région Sud - Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Conseil Départemental des Bouches du Rhône. Première résidence de création à l’Arsenal - Cité Musicale, Metz, janvier et octobre 2021 et à l’Agora-Cité Internationale de la Danse, Montpellier, septembre 2021.
Intentions artistiques
Dialogue avec Emanuel Gat
I. Un traitement théâtral hétérodoxe et contemporain
Pour Act II&III, Emanuel Gat travaille sur et avec la musique de Tosca de Puccini. Mais il choisit de s’émanciper du livret et des personnages du célèbre opéra et de proposer un autre traitement théâtral.
Pourquoi avoir choisi une musique d’opéra, et Tosca en particulier ?
L’opéra est un genre musical avec lequel je n’ai jamais travaillé. Je suis curieux de voir comment il se comporte dans le contexte de la chorégraphie et de mon processus de création.
En 2002, j’ai participé en tant que danseur à la pièce d’un chorégraphe appelé Javier de Frutos, qui utilisait le deuxième acte de Tosca. Travailler avec cette musique en tant que danseur, en a laissé une marque spécifique dans ma tête. J’y reviens des années plus tard, cette fois-ci en tant que chorégraphe.
Pourquoi faire le choix de s’éloigner de l’histoire de Tosca ?
La musique de Tosca est tout sauf abstraite, et l’oeuvre est chargée de plusieurs couches de sens, bien connues du public. Il y a l’histoire du livret dans son époque mais aussi l’histoire de la pièce, l’histoire de son auteur, de ses interprètes. C’est un défi de trouver une nouvelle manière d’aborder ces couches de sens, autrement qu’en les suivant ou qu’en les illustrant. Je me pose la question de comment dialoguer avec ces éléments, sans les ignorer, mais en laissant assez d’espace pour permettre à la chorégraphie de se déployer.
Cette démarche est assez inédite et assez ardue. Même lorsque les propositions s’inscrivent dans une esthétique très contemporaine ou offrent des variations dans le genre de l’opéra, elles s’émancipent rarement de l’histoire originelle. Ce travail se rapproche de ce que j’avais fait avec la pièce SACRE en 2004. La chorégraphie s’était éloignée des thèmes du Sacre du printemps, pour se développer indépendamment. In fine, elle y est revenue d’une certaine manière.
Je n’ai pas l’intention de changer de stratégie quant aux possibles récits qui finiront par émaner de l’œuvre. La narration est toujours une conséquence et un sous-produit indépendant. Elle émerge de la situation chorégraphique, plutôt que d’en être le point de départ.
Le registre de l’intimité, qui traverse chacune de tes pièces, aura-t-il une importance différente?
Sincèrement, cela dépend principalement des danseurs. Les pièces prennent à chaque fois des directions différentes en fonction de leur humeur, de la dynamique du groupe, etc.
II. L’audible et le visible
Le processus créatif d’Emanuel Gat met en dialogue les différents éléments qui le composent, et notamment la chorégraphie et la musique. Cette approche engendre du nouveau et provoque des découvertes sensorielles.
Comment cela fonctionne-t-il ?
C’est un processus de découverte des points de rencontre, des tensions, des parallèles, des contraires, etc.. Comment ils peuvent se compléter, se pousser, s’éclairer ou se recouvrir les uns les autres.
Au fil des années, je me suis rendu compte qu’une pièce de danse n’existe pas pleinement si l’interaction entre la musique et la chorégraphie ne préserve pas la nature séparée et autonome des deux. A cela peut s’ajouter la lumière qui est aussi un élément totalement indépendant, avec sa propre logique, identité et caractéristiques.
Toute nouvelle chose qui est la combinaison de plusieurs éléments, est le résultat d’une interaction entre des entités distinctes. Il n’y a pas de création en dehors de cette logique de base. Comme toute autre interaction dans le monde naturel. L’eau, H2O, est issue de la combinaison entre ces deux éléments séparés. Comme une expérimentation de chimie, on continue de mélanger les différents éléments et on attend de voir ce qui en sort. Cela nous guide tout au long du chemin et nourrit l’émerveillement permanent d’observer et de vivre ces phénomènes.
Tu fais souvent référence à l’espace qui s’ouvre au point de rencontre du visible et de l’audible…
Je pense que cela a à voir avec la façon dont nos cerveaux relient le visuel et l’auditif, avant même de parler de musique et de danse. Il y a quelque chose qui me fascine dans la manière dont nous traitons ce que nous entendons et ce que nous voyons à un moment donné. Cet espace détient des qualités révélatrices sur beaucoup de choses, bien au-delà d’une pièce de danse en particulier.