S'inspirant du tube de Bobby Hebb, le chorégraphe s'associe au producteur électro Awir Leon. Un spectacle-concert pour dix danseurs, solaire et jouissif.
SUNNY, le fameux tube pop des années 60, lancé au début des répétitions comme un prétexte, a donné la direction : faire rayonner le mouvement, et en éprouver une joie toute... solaire. Emanuel Gat, chorégraphe israélien installé depuis dix ans dans le sud de la France, et sa troupe furent récompensés de leur belle intuition lors de la création de la pièce, en juin 2016, au festival Montpellier Danse. La soirée s'y est achevée sur une ovation. Concert ou spectacle ? La célèbre chanson écrite en 1963 par Bobby Hebb a sacrément inspiré l'un des ex-danseurs de la bande, Awir Leon, devenu entre-temps un compositeur électro-groove. Il mixe en direct, solitaire, dans un angle de la scène, corps penché sur les platines, tête chuchotant au micro. Et déroule le tempo, alternant vagues puissantes et phases de repos. Complice bienveillant — dansant lui aussi pour produire sa musique et son chant modulé dans une langue anglaise adoucie —, il porte et enveloppe les dix danseurs.
La session commence par un rituel chamanique : un interprète-totem, tête d'oiseau et coiffe herbacée, buste décoré d'une peau de mouton et jambières brodées, exécute des flexions lentes s'achevant en pauses sculpturales. Image hypnotique dont s'inspirent plus tard les danseurs... On avait aimé, dans l'art ciselé d'Emanuel Gat, les accords savants d'interprètes s'épanouissant dans l'espace de Brilliant Corners, comme le déroulé de solides contrepoints dans The Goldlanbergs. Cette fois, la danse de Gat, peut-être moins précieuse, est plus jouissive encore, d'une fluidité vitale et partagée. Se détachant sur un sol blanc réfléchissant leurs ombres, ces filles en maillots pastel et ces garçons en caleçon, jambes et pieds nus, sans fard, essayent toutes les combinaisons : de torsions sinusoïdales en équilibres tendus, jusqu'à produire d'étranges « hiéroglyphes » physiques. En frise, au bord de la scène, ils exultent en échangeant leur vocabulaire. Une métaphore des relations humaines quand elles construisent le meilleur.
Emmanuelle Bouchez, 27 février 2017