Mouvement.net - Contrastes électroniques

Christian Rizzo en creuse la ligne sombre. Emanuel Gat en électrise le scintillement. Somptueux croisements du geste humain et des sonorités électroniques au festival Montpellier danse.

Entrelacs scintillant de Sunny

Toujours au festival Montpellier danse, on pouvait découvrir […] une création au nombre de dix interprètes ; mais tellement différente. La musique électronique y joue, là aussi, un rôle de premier plan, mais dans une philosophie radicalement distincte. Sunny est la dernière pièce d'Emanuel Gat. Son titre suffit à en évoquer le caractère solaire. Et c'est dans le plein air très ouvert du Théâtre de l'Agora qu'elle se donnait.

Le musicien Awir Leon est lui-même un ancien danseur interprète de pièces d'Emanuel Gat. Ça n'est pas qu'un détail. Son installation technique tient sur une table minuscule, à même la scène au contact des danseurs. Dans sa manière d'élancer les sons, Awir Leon n'a rien perdu de la façon dont il évoluait en composant du mouvement. Cela se renforce du fait qu'il donne sa musique par morceaux – au lieu du déroulé infini plus habituel dans l'électronique. Il les chante volontiers, dans une fibre pop.

Rarement, on a ressenti un son à ce point dansé sur un plateau, tout dans le qui-vive scintillant, la fragmentation miroitante, faisant écho à la griffe chorégraphique de Gat, qui caracole en sa compagnie. Celui-ci parvient à un tel niveau de maîtrise sereine de son écriture, que tout paraît se jouer en fantaisies, jeux et retournements, grisés de libertés épinglées à une trame virtuose.

Car ces danseurs sont des plus aigus, tenus, aux dessins parfois quasi gymniques. Leur gestuelle volubile. Leurs déplacements et combinaisons incessants. Les phrases sont brèves. Les suspensions nombreuses. Les enchaînements peu prévisibles. Les directions affolées, zigzagantes, très gourmandes du vaste plateau. Et quand tout pourrait sembler en proie à la divagation, propice à l'attente rêveuse, la structure moléculaire opère par précipités : une vague gagne, se propage, dans une bourrasque corporelle d'élan partagé, crépitant, scintillant.

Haletante, cette pièce semble se conduire toute seule, échapper au contrôle, bourgeonner d'éclosions, de superpositions, en canon dans un entremêlement de trajectoires solistes. Et cet entrelacs sinueux est toujours habité d'un son follement libre, escarpé et joyeux. Un autre visage de l'incandescence électronique.

Gérard Mayen, 30 juin 2016