2020
Installation photographique par Emanuel Gat
“2020” est en quelque sorte une exposition retrospective, retraçant l’oeuvre photographique d’Emanuel Gat.
Composée de 3 chapitres distincts, mais qui se superposent, l’exposition offre une vision complète de la perception photographique de l’artiste sur ses propres recherches et pratiques chorégraphiques.
Dans l’intimité du studio, immergé dans l’espace de travail de ses danseurs et collaborateurs artistiques, Gat utilise l’appareil photographique pour percer les couches visibles de l’action en cours (ou de son absence) à la recherche d’une empreinte visuelle autonome, à la fois des pièces chorégraphiques en cours de création, et de la présence humaine tangible de ses danseurs.
Chacun des chapitres aborde la question de l’interprétation photographique d’une manière différente, guidant l’oeil et l’expérience du spectateur à travers différents points d’entrée, jusqu’au coeur du processus chorégraphique.
En donnant une forme visuelle aux émotions, les installations photographiques d’Emanuel Gat revendiquent la priorité de l’expérience individuelle. Les photos des deux séries, LOVETRAIN et GOLD, et la photo unique de BC, ont été prises par le chorégraphe pendant les répétitions de Brilliant Corners (2011), The Goldlanbergs (2013), et de LOVETRAIN2020, en 2020. Toutes sont prises dans un même lieu, le studio Cunningham à l’Agora – cité internationale de la Danse à Montpellier, avec comme seule source de lumière, la lumière naturelle traversant ses grandes fenêtres, saisissant un groupe engagé dans un moment chorégraphique, dans un espace assombri.
Les photographies sont orchestrées en un déroulé semblable à celui d’une représentation. Elles sont présentées dans un environnement soigneusement mis en scène, et accompagnée d’une bande son - pour GOLD, des extraits de « The Quiet in the Land », un documentaire radio réalisé par Glenn Gould, et une captation sonore d’une représentation de Brilliant Corners pour BC.
Ni documentaires, ni posées, ces images dégagent un sens ambigu d’une réalité qui a lieu au sein d’une autre. La photographie non pas comme preuve tangible du réel ou autorité qui transcende l’interprétation, mais plutôt comme portraits de personnes, portraits troublants car celles-ci sont à la fois communes et au-delà de l’ordinaire.
LOVETRAIN
Cette nouvelle série de photographies d’Emanuel Gat, prise durant la toute première phase de création de LOVETRAIN2020 est une tentative de saisir l’atmosphère et la vibration spécifiques qui émanent de cette phase très particulière du processus créatif : l’énergie vibrante des commencements, mêlée d’hésitations, d’étonnement, de questionnements et l’exploration à la fois prudente et attentive de territoires nouveaux et encore inconnus. Ces moments recèlent une clarté calme de l’intention et ouvrent sur un large espace, flou, inconnu, attendant d’être découvert et d’apparaitre avec netteté. Cette nouvelle série décline autrement la recherche photographique du chorégraphe pour donner une forme visuelle aux émotions, objet même de l’expérience, au moment où s’initie le processus de création. Les images saisissent une personne ou un groupe engagé dans un moment de recherche chorégraphique, un moment de drame haletant, et créent une humeur d’incertitudes, de doutes et d’opportunités
BC
Contrairement aux deux autres séries photographiques, GOLD et LOVETRAIN, prises durant les répétitions de création des pièces éponymes, la photographie unique intitulée BC a été prise lors d’une représentation de Brilliant Corners (2011). Ce moment photographique, monté sur caisson lumineux présenté dans un espace sombre empli de sons enregistrés au cours d’une des représentations de la pièce, est une invitation au regard long et concentré. La contemplation d’un moment singulier d’un spectacle vivant, faisant écho à la continuité du temps rappelée par la bande son qui l’accompagne. Verticale et horizontale, suspendue entre la position debout et la chute, au point de rencontre de la lumière et de l’obscurité, cette photographie est une tentative de saisir le corps dansant dans toute sa puissance dramatique et existentielle. Une réduction de l’entière pièce chorégraphique à un instant photographique concentré.
GOLD
Peintures en tout point sauf par leur technique, dans la veine du chiaroscuro, ces photographies embrassent l’immédiateté du corps, de la lumière, de l’ombre et de la texture comme matière. Gothiques dans leur intense mystère et baroques dans leur indulgente et tangible luxure, elles nous rappellent combien poétique et extraordinaire l’ordinaire peut être. Comment des personnes dans la lumière changeante de l’acte artistique deviennent chargées et puissamment suggestives pour nous. Entre sensualité et dégradation, obscurité et menaçante lumière, fragilité et vulnérabilité, ces moments de drame haletant créent une humeur d’incertitude permanente à travers le fait que le regard du sujet n’est dans aucune photo pointé vers le spectateur. Pas une beauté de perfection, mais une beauté née de vulnérabilités, d’incertitudes, de doutes et d’opportunités.
Les contradictions entre intime et méconnu suscitent une impression de fugacité, d’histoire jamais entièrement racontée, d’éphémère plutôt qu’elles ne révèlent des moments de réalité capturée ou des images construites d’un fantasme mis en scène. On y trouve grandeur et opulence, mais les photographies évoquent aussi une humeur au silence, à l’introspection, et une certaine subversion.